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Ce week-end, j'ai joué contre le père spirituel de Benoît Paire !

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Salut à tous,

 

 

La voici, la voilà, la suite tant attendue – par des millions de fans branchés en mondiovision sur mon blog – du tournoi de mon grand come-back. Pour rappel, pour cette première compétition depuis de longues années,  j’ai déjà passé trois tours sans gloire (à 30/3, 30/2, 30/1) et ce week-end, c’était le début des choses sérieuses avec au programme mon premier match en perf’, face à un joueur classé 30 (je suis 30/1) et anciennement classé 15/4 – rappel de la base : toujours préciser le meilleur classement de son adversaire s’il a été mieux classé, sinon s’abstenir ou rester flou.

 

A vrai dire, j’avais un peu tout imaginé pour ce match dont mes potes de club m’avaient dit qu’il allait être difficile et indécis, la tendance générale me donnant tout de même « légèrement favori ». Sur le mec, on m’avait donné le descriptif complet de son jeu, ses points forts, ses points faibles, sa taille, son poids, son plat préféré, etc, etc. Je connaissais tout de lui, jusqu’à son adresse et son palmarès de ces 15 dernières années. Il y a juste une chose qu’on ne m’avait pas précisée. Oh, un petit détail sans importance : c’était le père spirituel de Benoît Paire. Pas possible autrement…

 

Franchement, en 15 ans de compétition de tennis, je pensais avoir tout vu. Mais là, après à peine un mois de come-back, j’ai vécu un truc encore inédit. Un mec ingérable, inclassable. Un écorché vif, et je dis ça sans aucune méchanceté. Avant et après le match, il était adorable. Mais alors pendant ! Mieux que le cirque Bouglione et les Monty Python réunis…

 

Le sketch a commencé dès les présentations. J’arrive, il est déjà là. Poignée de mains cordiale. Mais je sens un « hic ». Le mec se touche l’épaule en grimaçant. A peine m’avait-il dit bonjour qu’il me lance, en préambule : « j’ai un tendon en vrac, ça fait deux mois que j’ai pas joué. » Bon, le coup du mec blessé, on connaît. Je vais pas me laisser impressionner pour si peu. Simplement, c’est la première fois qu’on me le fait aussi tôt dans la partie, sans même avoir tapé les premières balles d’échauffement. On commence celles-ci. J’ai l’impression de jouer face à Jesus-Christ en pleine crucifixion (sauf qu’il est chauve). Mon adversaire semble souffrir le martyre. En prime, il me fait le coup de l’échauffement bâclé - tu connais aussi. Des volées ? « Non, c’est bon, de toutes façons, je monte jamais au filet », me lâche-t-il en faisant de grandes rotations de l’épaule, façon Hugo Lloris avant d’aller stopper un penalty. Il semble malheureux comme les pierres. Je me laisse attendrir : « T’es sûr, ça va aller ? » « Oui, c’est bon, c’est juste qu’il faut que je fasse attention car le tendon est abîmé, c’est pour ça que ça fait trois mois que je joue plus trop ». Ah, je note que le « j’ai pas joué depuis deux mois » s’est transformé en « je joue moins depuis trois mois. » Visiblement, je joue contre Jo (l’Embrouille, pas Tsonga). De deux choses l’une, me dis-je. Ou il est vraiment blessé, et il est pas serein. Ou il me pipeaute un peu, et c’est qu’il est pas serein non plus. Dans les deux cas, c’est bon pour moi. Cet état d’esprit positif est lié au fait qu’à l’échauffement, j’ai bien senti la balle. Sinon, je serais déjà en train de me faire pipi dessus.

 

 

Au bout du 3è point, le mec me sort un hurlement d'Hulk !

 

 

A ce stade, et comme j’ai pris le parti de tout vous dire dans ce blog, il faut que je vous confesse un truc. La veille au soir, j’ai pris un quart de Lexomil, suivant le tuyau balancé un jour par un internaute. En fait, pour dire toute l’histoire, j’avais pris un quart de Lexomil l’avant-veille au soir pour m’assurer une bonne nuit de sommeil après une bonne prise de tête avec ma douce. Le lendemain, à l’entraînement, j’ai joué le feu de dieu. Timing impeccable, pas d’appréhension, zéro parasite à la frappe. Effet Lexomil, ai-je pensé… J’ai donc remis ça le soir-même, en me disant que ça agirait sans doute pareil pour le lendemain. Je précise quand même -j’ai vérifié- que le Lexomil ne figure pas sur la liste des produits interdits. Mais pour moi, c’est du pareil au même. Dans la démarche, dès qu’on prend un truc destiné à améliorer chimiquement son état physique ou mental, c’est une forme de doping. On s’en approche, en tout cas.

 

Bon, en tout cas, je sais pas si c’est ça ou pas, mais oui, le lendemain, je sens bien la balle aussi. Pas tout à fait aussi bien, mais pas mal du tout quand même. Pas d’appréhension particulière. La preuve : alors que, lors de mes trois premiers matches, je m’étais montré incapable de frapper un revers recouvert, là j’en lâche sans trop de crainte dès les premiers points. Or, quand mon revers est à peu près là, c’est tout mon jeu qui s'en trouve tiré de plusieurs crans vers le haut. Comme si toute appréhension disparaissait d’un coup pour libérer mon bras de la chape de plomb qui le gangrène habituellement.

 

Mais ces revers lâchés sitôt les premiers échanges ne sont pas la chose la plus incroyable de ce début de match. Il se passe quelque chose d’encore plus étrange. Sitôt le troisième point du match – oui, le troisième –, conclu par une troisième faute directe de mon adversaire, celui-ci pousse un hurlement énorme, comme s’il venait de rater un smash immanquable à 4-4, 40-40 au 3è set. Je sursaute. Je me dis que j’ai mal compris, que ça doit être un ballon du stade de foot voisin qui a rebondi avec fracas sur le toit de la salle. Mais non. Il  recommence très peu de temps après. Il me fait penser au mec de ce sketch, qui me fait bien bidonner à chaque fois que je le regarde :

 

 

 

Mais honnêtement, je dois l’avouer, ça me perturbe. Je joue bien, je me sens capable de prendre largement les devants mais je crains que mon adversaire, de fureur, ne devienne possédé pour de bon. N’étant pas exorciste de formation, je retiens plus ou moins consciemment mon bras. De 3-1, il revient à 3-3. En même temps, à chaque changement de côté, il redevient adorable et me tape la discu tranquillement, comme si de rien n’était, sans trop en rajouter non plus, plutôt bon esprit. Mais dès qu’on recommence à croiser le fer, il se transforme, façon Hulk. C’est très déstabilisant. Je parviens néanmoins à remporter ce 1er set 6/3 mais je prends moins de plaisir que je devrais vu mes bonnes sensations du jour et vu les échanges plutôt plaisants que l’on dispute.

 

Car le mec, aussi moribond était-il à l’échauffement, a du répondant, clairement. Il tient l’échange, frappe bien la balle et surtout, le truc qui m’intrigue, c’est qu’il a l’air très fort physiquement pour un mort-vivant. On enchaîne des longs rallyes et après ceux-ci, je me surprends à me trouver plus essoufflé que lui, moi qui ai basé toute ma petite carrière sur ma seule paire de gambettes. Lui a presque 10 ans de plus que moi et il a l’air frais comme un gardon. S’il finit souvent par faire la faute avant moi dans l’échange, ce n’est sûrement pas par « craquage » physique. C’est simplement parce que, en toute modestie, je joue un tout petit peu mieux que lui.

 

Il faut dire que j’ai un autre truc. Le matin du match, j’ai maté quelques vidéos-conseils d’Alexis Santin, le coach du site tennis-tactique. Je suis notamment tombé sur une vidéo où il donne quelques conseils pour mieux gérer les attaques sur balles courtes. « On ne s’entraîne jamais dans cette zone et on y frappe les balles de la même manière que si on était au fond du court, y racontait-il en substance. Mais c’est idiot, puisqu’on est beaucoup plus proche du filet. Il faut donc adapter son mouvement. Il ne faut pas attaquer, il faut avancer », expliquait-il tout en mimant une fin d’accompagnement raccourcie. Ah, c’est pour ça que je canardais sans cesse la pancarte de la charcuterie Morin accrochée sur la bâche de fond de court ! Je mets en application ces conseils et ça marche plutôt bien. Bon, je sais aussi que c’est parce que je suis dans un bon jour. Quand on est dans un bon jour, on s’adapte plus facilement au changement alors que dans les mauvais, on a l’impression que rien ne pourrait vous faire mettre une balle dans le court, même si celui-ci était agrandi du double de sa superficie. Toujours est-il que ça marche plutôt bien.

 

A côté de ça, je me fais ma petite séance de visualisation gestuelle habituelle. En coup droit, aujourd’hui, je me prends pour Kristina Mladenovic. Ne me demandez pas pourquoi, c’est bien la première fois et c’est d’autant plus idiot que je ne suis pas spécialement fan de cette fille que je trouve un peu prétentieuse et surtout absolument pas lucide, ni sur elle-même ni sur son jeu, et encore moins sur ses adversaires. Mais bon, la main gauche bien en avant à la préparation, la boucle bien dessinée au déclenchement la frappe… : oui, il y a du « Kiki » dans mon coup droit. C’est limite si je visualise pas la longue natte blonde qui voltige à l’impact. Ridicule.

 

Passé le gain du 1er set, je me rappelle bien m’être dit de ne surtout pas me relâcher mais au contraire d’en remettre une bonne couche d’intensité dès le début du 2è. Pourtant, je ne peux m’empêcher de commettre à ce moment-là une erreur de débutant. Alors que les sensations sont excellentes, je tente, en milieu de jeu, une accélération de revers sauté fulgurante, un peu à la Marat Safin à sa grande époque (celle de ma jeunesse). Sauf que le revers sauté a plutôt des allures de crêpe sautée : il s’écrase au plafond après avoir violemment heurté le cadre de ma raquette. Une insulte à Marcelo Rios. Un hommage à Cédric Pioline. Je me sens plus con que Nelson Monfort qui se fait virer de la box d’Andy Murray pendant Roland-Garros.

 


Mais ouiiii, Nelson...

 

 

Derrière, je perds ce putain de jeu, je perds mes repères, je perds mes sensations et je me retrouve mené 3-0 face au mort-vivant qui a retrouvé un teint moins blafard. Putain de sport de merde… En plus, je sais pas s’il l’a fait exprès ou quoi, mais le Jesus-Christ chauve m’a, mine de rien, lâché un truc qui m’a bien perturbé. Sur le banc, alors que j’étais en train de sortir la banane magique de mon sac, il m’a demandé si je jouais les matches par équipes + 45 ans. Moi qui suis encore à ranger dans le rayon des trentenaires… J’ai failli m’étouffer avec ma banane (comme Nadal à Roland-Garros une année). Déjà que je commence à me trouver vieux, lui me rajoute quasiment une décennie. Je fais une mini-déprime sur mon banc. Derrière, je lâche un jeu blanc jonché de quatre fautes directes.

 

Mais il semblerait le « tennisman de merde » nouveau soit arrivé. Même mené 3-0, je reste positif dans l’attitude. C’est bizarre car, avant, je craignais tout ce qui pouvait se passer de négatif sur un court de tennis. Depuis l’ouverture de ce blog, j’en suis presque à les souhaiter, pour avoir quelque chose de croustillant à raconter. Du coup, je n’appréhende pas spécialement la suite. J’essaie de rester « focus » sur mes bonnes sensations. Je me dis qu’après tout, il n’y a qu’un break de retard, expression qui m’a toujours fait rire tant on sait qu’à mon niveau, le service n’a aucune influence, ou alors négative. Je me dis que même Djokovic est souvent mené d’un break de retard dans ses premiers tours contre des chèvres. Pensée hautement stupide, là encore, oui. Mais on n’est plus à ça près.

 

Son passing rageur s'envole à la manière de la fusée Ariane, à la verticale...

 

En tout cas, ça ne marche pas si mal. Je me reprends et grignote ma remontée. 3-3. On dispute alors un jeu extrêmement long, avantage, égalité, avantage, égalité, et ce pendant des plombes. Je gagne finalement ce jeu, sans doute parce que je suis un « poil » plus zen que l’incroyable Hulk, lequel gueule comme un putois enragé à chaque balle de 4-3 envolée. Je crois que s’il foutait involontairement le feu à sa baraque avec un briquet, il ne s’insulterait pas davantage. J’ai lu quelque part, je sais plus où, qu’au tennis, on devrait être son supporter n°1, son propre fan en quelque sorte. Lui est son pire ennemi. Il est une foule entière de hooligans serbo-croates dirigés contre lui-même. Jamais vu une telle furie.

 

C’est moi qui fais 4-3. Juste après, on dispute un nouveau jeu très serré. A 30-30, enhardi par je ne sais quelle force mystérieuse, je tente mon premier service-volée du match, et même de l’année 2017 – oui, je les réserve pour les grandes occasions. Le service est correct, la volée de coup droit qui s’ensuit est en revanche un modèle du contre-genre : poignet tremblotant, tamis très orienté vers le haut (toujours un peu dans l’esprit crêpe sautée), aucune avancée à l’impact : résultat, ma raquette crache une espèce de noyau de pêche dévitalisé qui monte très haut et rebondit en plein milieu du court, au niveau de la jointure. Léger faux-rebond. Il n’en faut pas plus pour que le passeur d’en face s’emmêle les guiboles et les neurones. Son passing de coup droit rageur s’envole à la manière de la fusée Ariane, c’est-à-dire avec une trajectoire quasi-verticale, pour s’écraser comme une merde dans la bâche quelques dizaine de mètre plus loin. Par décence, je n’annonce pas la balle faute (elle l’aurait été d’environ 25 m si l’on ne jouait pas entre quatre murs) mais je n’omets pas d’annoncer le score à haute voix. Avantage service. Balle de 5-3.

 

Le coup du "j'abandonne, ah bah non finalement", on vous l'a déjà fait ?

 

Et là, le mec me fait un truc complètement inédit. Il pète littéralement un fusible. Il hurle que ce sport le gave – jusque là, rien d’anormal – et qu’il préfère en rester là pour aujourd’hui. Là, c’est plus chelou. D’autant qu’il joint le geste à la parole ! Le voilà qui regagne son banc, range sa raquette dans son sac, commence à mettre son jogging puis son blouson, sous mes yeux circonspects et le regard incrédule d’un badaud du club qui passait par là. Réalisant le sérieux de la menace, je tente un timide : « mais arrête, reste-là, on s’amuse bien, et c’est serré ! »,  relayé en ce sens par le badaud qui l’incite – plus vertement que moi – à regagner sa place. Et nous voilà tous les deux à supplier le phénomène en déroute de terminer la partie. Il finit par se laisser convaincre. « Bon, ok, ok… », maugrée-t-il en sortant de nouveau son instrument de torture de son sac. Et merde, pense-je intérieurement.

 

Evidemment, le piège me guette. Ce match, si j’avais été un tantinet salaud, je l’avais dans la poche, par K. O. Là, me revoilà en plein milieu du gué. En plus, derrière, évidemment, ça ne rate pas. Libéré, le mec me sort deux coups droits de l’espace pour s’offrir une balle de 4-4. Je ne vous raconte pas à ce moment-là la gueule de ma deuxième balle… Elle a picolé toute la nuit, ou quoi ?? Elle a quand même le mérite d’atterrir au milieu du carré, dans un étrange effet « slifté », une sorte de rotation hybride de la balle de mon (involontaire) invention. Derrière, heureusement pour moi, mon vénérable opposant s’arrange pour faire la faute. Je dois avouer que je n’ai pas beaucoup de mérite. Il perd ce point important beaucoup plus que je ne le sauve. Il ne s’en remet pas et, une fois mené 5-3, il balance ouvertement le dernier jeu.

 

J’avoue avoir quelques appréhensions pour la poignée de mains. Peur de me retrouver avec le sigle Babolat de sa raquette tatoué en plein milieu de la tronche. Mais non. Le mec redevient un agneau aussitôt après avoir perdu. Il ne manque pas de me féliciter et me propose même de rejouer, ultérieurement, pour le fun. A l’heure qu’il est, je suis encore en phase de réflexion sur ce point. Comme me le fait remarquer le badaud qui a assisté à la fin de notre match, le tennis est vraiment le sport qui fait ressortir le pire de ce qu’il y a en l’homme. Je médite sur cette phrase et je me dis qu’il a raison. Mais je pense que l’inverse peut être vrai aussi. Le tennis peut faire ressortir ce qu’il y a de meilleur en nous. A condition de trouver le juste état d’esprit, la manière de penser adéquate. Celle qui va convenir à soi-même et pas forcément au voisin. Je suis dans cette recherche, aujourd’hui. Je me dis que le fait de croiser quelques cas « d’école » comme celui-ci peut m’y aider. En attendant, qu’on se rassure. Je reste un tennisman de merde.

 



10/01/2017
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