tennismandemerde

tennismandemerde

Ce moment où... tu lâches un putain de « vamos » !

 

 rafael-nadal-roland-garros-win-2014.jpg

 

En préambule à tout ça, t’es obligé d’avouer ici, quitte à perdre une large partie de ton maigre public, que t’as toujours été plus Rafa que Rodger. Enfin, bien sûr, t’admires Rodge, comme toute personne un tant soit peu censée qui aimes et qui connaît le tennis. Mais t’as du mal à t’identifier à lui étant donné le génie du type et sa facilité presque écœurante à faire avancer la balle sans effort, quand toi tu dois ramer comme un pauvre besogneux pour tenter d’accélérer un coup droit qui finira (au choix) soit dans le court à 35 km/h, soit dans la bâche à 150 km/h. L’un ou l’autre. A ce propos, t’as déjà essayé d’imiter le fameux coup droit de Roger avec regard fixé sur le tamis après la frappe (et non sur la balle comme tes profs te l’ont toujours enseigné), t’en as récolté qu’un pathétique torticolis à la Gilles Simon. Bon bref, tout ça pour dire que tu t’es toujours plus facilement identifié à Rafa, son côté « s’en va-t-en guerre » seul contre tous, le laborieux face au génie, le taureau face au toréador, le peuple en guenilles face aux tout-puissants en costards. En gros, t’es plus sueur et chaussures maculées de terre que gestes fluides et brushing impeccable.

 

Et là, ça fait 2h que tu gueules comme un gros porc sur le court n°8 du fin fond du TC Dumonde (par TC, lire Trou du Cul, pas Tennis Club), à essayer de t’en sortir face à un espèce de vétéran barbu de la pire espèce, celui avec la bouteille de Perrier 75 cl, la petite serviette autour du cou sans oublier l’indispensable revers chopé bien vicieux sur lequel t’es bien incapable de faire quoi que ce soit d’autre qu’une autre merde coupée bien vilaine aussi. Là, le mec, en prime, est venu en short de foot, qui est un peu au joueur de tennis ce que la hache était aux tribunes indiennes : une déclaration de guerre. Bref, un pur cauchemar tennistique !

 

Tu maîtrises le match à peu près autant que le montage d'une armoire Ikea...

 

T’en est donc là à ramer comme un con depuis 2h, le score est de 2-2 au 3è set et tu contrôles le jeu à peu près aussi bien que tu maîtrises la notice de montage d’une armoire Ikea, celle où y’a les 2 bonshommes dessus et une petite horloge indiquant 60 minutes. Quand tu vois ça, tu sais que tu vas en chier et y passer au moins le triple. 2-2, donc. Ça fait depuis le début du match que t’es à la recherche de tes sensations en coup droit, qui t’aideraient bien pour essayer d’accélérer le jeu et déborder la sangsue hipster qui te fait face. Et tu y arrives pas, putain ! Chacune de tes accélérations, avec regard ou pas sur le tamis à la frappe, finit invariablement dans le décor. T’en es donc réduit à accepter la lutte de fond de court avec l’homme de Cro-Magnon, obligé d’enchaîner les frappes heurtées et sans consistance avec le cri rauque d’un patient en phase terminale, contraint de travailler de longues minutes pour arracher un point comme un ouvrier pour gagner sa maigre pitance. Et franchement, tu te fais chier. Jouer des échanges aussi longs contre un nullos pareil, c’est comme discuter politique avec un trotskyste borné, c’est interminable, ça ne mène à rien et il n’y a aucune issue possible. Quand tu joues comme ça, t’as l’impression d’être un paysan qui laboure la terre à la faucille sous 35 degrés. Ou Thomas Muster qui enchaîne les frappes sur son banc de torture après s’être cassé le genou. Bref, quand tu joues comme ça, t’es pas fluide. T’es pas Roger. Remarque, t’es pas Rafa, non plus. 

 

Et puis, d’un coup, ça arrive presque malgré toi, tu sais même pas comment. Y’à 15-30.  T’es dans un échange à 25 coups de raquette – la moyenne du match – et t’enchaînes les coups droits de bûcheron quand soudain, au fil de ta miséricorde, tu t’imagines que t’es Rafa qui essaye de démolir de revers de Roger à Roland. T’en rajoutes une couche en terme d’intensité. Tu mets les jambes comme jamais. T’oublies un instant la crispation et le petit bras et soudain… le miracle ! T’envoies une ogive magnifique qui vint se loger quasiment sur la ligne, loin, très loin du vieux footix à la ramasse. Bien sûr, t’accompagnes la balle d’un cri de bête libérateur, à la hauteur de la frustration contenue jusque-là. Et, alors même que la balle n’a même pas rebondi une deuxième fois, tu le lâches… Un putain d’énorme « vamoooos » totalement imprévu, qui doit s’entendre jusque dans la patelin d’à côté, te sort du cœur et des tripes en même temps que tu t’offres deux cruciales balles de break dans ce début de 3è set.

 

Au loin, tu vois une nénette qui se détourne. T'as l'air con...

 

En face, ton adversaire te regarde d’un œil noir. Toi, sur le moment, t’es plutôt pas mécontent de ton effet. Et puis, une fraction de seconde plus tard, tu regardes autour de toi. Tu vois qu’y pas grand-monde qui a kiffé ton coup gagnant autant que toi. Y’a pas un spectateur sur ton match. Les vaches qui paissent tranquillement dans le champ d’un côté n’ont même pas daigné lever la tête (les ingrates). Tu continues ton petit tour d’horizon oculaire. Tu aperçois au loin une belle nénette qui flâne autour du club, mais qui ne s’est visiblement pas arrêtée sur ton match. Pire, tu as l’impression qu’elle s’en détourne, d’un air goguenard. Bref, tu vis un petit moment de solitude.

 

Et c’est vrai qu’à la réflexion, tu es un peu pathétique. Y’a pas si longtemps, tu es tombé sur ton arbre généalogique et tu as eu beau remonter 12 générations en arrière, t’as pas trouvé l’ombre d’une ascendance hispanique dans tes gênes. Bref, ton « vamos », il est sorti de nulle part, de ta télé, de tes rêves, de tes anciens posters de Rafa, de ton identification à deux balles. Le problème, c’est que t’as plus 14 ans. C’est là où t’as vraiment l’air con. Bon, tu prends le point quand même avec plaisir mais, maintenant que l’adrénaline est retombée, tu vas te replacer un peu piteusement, la queue (pardon, la raquette) entre les jambes. Pour te consoler, tu te dis que ça arrive aux meilleurs.  Rappelez-vous Alizé Cornet qui s’était fait carrément remettre en place un jour par Sara Errani pour avoir gueulé « vamos » en plein match (voir aussi la vidéo plus bas). Tu te souviens aussi qu’un jour, un mec a fait bien pire contre toi. Au beau milieu du feu, il a hurlé un magistral « komm jetzt ! » - celui de Rodge – qui te donne encore des fous rires quand t’y repenses. Sur cette pensée, tu essaies de te reconcentrer. Et derrière, tu retournes à tes gros ronds. Le coup droit de Rafa est déjà reparti. Tu ne crieras plus « vamos ». Jusqu’au prochain match, peut-être…

 

 

Et ça, c'est pour le plaisir, pour ceux qui ont lu jusqu'au bout :

 



02/02/2017
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 19 autres membres